Presse - Alain Astruc
"C'est sans doute un novateur qui comptera dans l'histoire de notre
théâtre contemporain. Il fait basculer, comme il le dit lui-même,
la représentation d'un monde à l'autre, du monde de la vue
au monde de la voie... Il inverse les rapports de l'écriture et
de la parole. Lui, fait passer la parole en premier: c'est la parole qui
fait l'écriture et non l'inverse... "
Jean-Pierre Faye
"... Vous m'avez réconcilié avec l'écriture
dramatique... (Jouer l'écriture, non le personnage: le personnage
doit se voir dans l'écriture et non l'inverse...)"
Albert Camus - 1959
"...c'est vraiment, avant tout le reste - le jeu de la parole,
le phénomène enthousiasmant d'un dynamisme qui fait retentir
clairement les mots appelés à lutter et à gravir -
toujours dans la gloire, au sommet du style, qui me comblait de satisfaction..."
Alain Cuny
"... Cela commande une conception neuve, bouleversante du théâtre.
Cela explique pourquoi les pontifes de l'heure - directeurs, critiques
- demeurent devant Astruc comme devant un corps étranger. Car si
Alain Astruc réussissait, s'il imposait ses vues, le théâtre
traditionnel ne serait plus supportable (un peu comme la vraie poésie
a tué l'alexandrin).
Pourtant ce n'est qu'une question de temps. Astruc réussira. Il
imposera ses vues. Parce que c'est une loi de l'histoire, que les novateurs,
en fin de compte l'emportent sur les anciens, et les vivants sur les morts."
Jean-Charles PICHON - 1964
"Astruc a été jusqu'ici une sorte de Socrate, de
Diogène du théâtre: son enseignement fulgurant s'est
transmis oralement... Et nous sommes quelques-uns à continuer à nous
en nourrir..."
Valère Novarina
"Je sais combien il est nécessaire que les lumières qu'il porte soit transmise aux jeunes générations, parce qu'Alain Astruc est de ceux qui font que le théâtre et les poètes nous rendent notre dignité et une raison de continuer à nous battre. " Claude Buchvald
"Soyons émerveillés par ce nouveau texte. Qu'est-ce
sinon le nombre d'or, l'or du temps au théâtre que ce "Théâtre
d'Or"..."
Jean Gilibert
"... Il me semble que l'évolution de votre théâtre
vous induit à des dramaturgies qui vous impliquent personnellement,
pour ne pas dire dangereusement (je veux dire que vous allez délibérément
au devant du danger), en mettant en scène le père en face
du fils, l'écrivain en face de son public, dans un effort extrême
pour jeter entre l'un et l'autre un pont de langage qui justifie la folie
de l'écriture et le défi démesuré au monde
que lance toute vraie et grande entreprise du théâtre... "
Robert Abirached - 15 Mars 1997
«Alain Astruc: un as méconnu
Les Kulturtäter recevaient samedi le Théâtre d'Or de Paris
dans «La tarte à la crème» d'Alain Astruc montée
par le Biennois Jaques Dutoit. Grâce au texte dense d'un auteur méconnu
et à deux acteurs subtils (Cécile Duval et Bruno Jouhet), les
spectateurs accourus à l'espace Rennweg ont vécu un de ces
moments forts qui surprennent. (...)
La dynamique réside dans l'écriture. Intrigant et apparemment
simple, le texte dépasse la parole et touche aux mouvements de l'âme.
Les répliques se succèdent comme des pas et des sauts. Les
inflexions fines du clown font chanter la voix sur les fins de phrase, où Astruc
place souvent, en refrain, des formules énigmatiques: «dans
le jeu», «pour l'amour», «pour la vie». Et
pour le rythme, aux «cher Monsieur» du maître d'hôtel
répond, avec les «mon cher amour» du clown, un langage
du coeur toujours en éveil. Ce sont là comme des emblèmes
du monde réel et de la vie à changer, par l'art et la joie
si possible. »
Pierre-Alain Chopard -le Journal du Jura 24 Avril 2006
UN THÉÂTRE - JAZZ
A lire les pièces d'Alain ASTRUC, on se dit qu'elles vont faire
subir au théâtre tel que nous le connaissons une sorte d'hydrolyse,
comme le JAZZ a fait à la musique occidentale, et que ce qui en
naîtra est quelque chose d'inimaginable et de totalement bouleversant.
Un théâtre hors de lui-même, piétinant tous
ses codes, sauvage et plein grâce, livré à la seule
parole poétique !...
La scène prenant feu de partout. Non plus soumise aux processus
réducteurs de la représentation, mais espace rythmique
et sonore, lieu d'une genèse où s'accomplit violemment,
convulsivement joyeusement, l'accès des corps à la présence
transfigurante. Un théâtre de rire et de sang.
Un théâtre qui, pour citer Jacques SUSCHER, “quittant
l'estrade.., nous
fait vivre une parole hors sens, hors mots, hors de la personne, séparée,
projetée d'un seul coup dans un dehors évident ”
Claude Merlin
Le Journal du jura (lundi 24 avril 2006)
Alain Astruc: un as méconnu
Les Kulturtàter recevaient samedi le Théâtre d'Or de
Paris dans «La tarte à la crème» d'Alain Astruc
montée par le Biennois Jaques Dutoit. Grâce au texte dense d'un
auteur méconnu et à deux acteurs subtils, les spectateurs accourus à l'espace
Rennweg ont vécu un de ces moments forts qui surprennent.
L'argument du ballet de phrases tient en peu de mots: un clown en costume
de cirque (Cécile Duval) arrive dans un restaurant chic où il
est invité à une fête qui distinguera ses mérites.
Accueilli par un chef de rang compassé (Bruno Jouhet), il refuse de
se plier aux contraintes vestimentaires que celui-ci veut lui imposer. Inlassable,
le maître de cérémonie ressasse les exigences du rituel.
Poli et ferme, l'artiste au nez rouge réaffirme avec constance sa
résolution: il restera visiblement le clown qu'il est, ou il s'en
ira. Les deux personnages mettent alors en jeu les convenances et la liberté,
dans un match de ping et de pong que l'on croirait répétitif:
mais de redite en reprise, le dialogue évolue comme une phrase de
piano de Terry Riley. On apprend que le maître d'hôtel a un passé d'artiste:
au contact de son ancien compagnon, ses convictions de valet se lézardent,
et il finit par revêtir le manteau et le nez de l'Auguste, lequel devient
un guide lumineux dans l'habit de clown blanc subversif. Les deux compères
s'accordent pour paraître ainsi devant l'assistance de la fête,
c'est-à-dire le public - invité lui aussi à la célébration
jubilatoire.
Pour rejoindre la farandole, les spectateurs devraient, avec une âme
d'enfant, en avoir gardé la mauvaise éducation. Or, des décennies
de vie convenable laissent des traces! Le public, même intéressé et
touché, est resté trop correct pour oser céder au garnement
intérieur qui veut changer le monde avec des tartes à la crème.
Les Kulturtàter savent pourtant qu'un maintien réservé ne
préjuge pas d'un refus intérieur.
En lever de rideau, Dutoit a dit avoir voulu coordonner plutôt que
diriger: et en effet, la mise en scène, allusive et toute de discrétion,
est une réussite. Les acteurs marchent, mais ils sont là comme
s'ils allaient danser. Ce n'est qu'une velléité chez le maître
d'hôtel: guindé, droit comme un I dans ses impératifs
sociaux, Bruno Jouhet incarne physiquement l'adaptation. En revanche, Madame
Duval, d'emblée espiègle, a un jeu de bras léger et
proche de l'envol qui annonce l'élan final contagieux.
La dynamique réside dans l'écriture. Intrigant et apparemment
simple, le texte dépasse la parole et touche aux mouvements de l'âme.
Les répliques se succèdent comme des pas et des sauts. Les
inflexions fines du clown font chanter la voix sur les fins de phrase, où Astruc
place souvent, en refrain, des formules énigmatiques: «dans
le jeu», «pour l'amour», «pour la vie». Et
pour le rythme, aux «cher Monsieur» du maître d'hôtel
répond, avec les «mon cher amour» du clown, un langage
du coeur toujours en éveil. Ce sont là comme des emblèmes
du monde réel et de la vie à changer, par l'art et la joie
si possible.
Pierre-Alain Chopard